Avant Murata Shuko (1423-1502) la cérémonie du thé au Japon était très à la mode parmi l’élite parce que les gens aimaient surtout posséder les beaux objets et ustensiles qui s’utilisaient lors de la préparation du thé (notamment ceux d’origine chinoise, ayant une grande valeur). Shuko a refusé cette façon de pratiquer et, à la place, il a commencé à utiliser des ustensiles simples, modestes et de production locale, donnant ainsi une importance supérieure à l’aspect spirituel de la préparation du thé. Avec lui est née la première expression du wabi-sabi, aujourd’hui un des concepts essentiels de la culture et philosophie japonaise, qui a été repris en occident pour développer des tendances de style et de déco.
Le wabi-sabi est mystérieux et sa définition est vaste et peu expliquée dans les livres, car la tradition japonaise a privilégié une transmission orale de ce savoir. Si je devais l’expliquer en quelques lignes je dirais que le wabi-sabi, s’inspirant du taoïsme et du bouddhisme zen, vient chercher la beauté dans l’imperfection de toutes les choses. Il parle d’une beauté « rustique », sans artifice, sans prétention, naturelle. C’est le « zen des choses ».
Avec l’année que nous sommes en train de vivre, je sens que cette philosophie qui nous propose d’apprécier les détails et la beauté plus simple dans notre quotidien, est une invitation à faire une pause et à changer notre regard. De la même façon, elle nous incite à réfléchir à nos choix de consommation et aux qualités des objets qui nous entourent.
Je suis régulièrement étonnée de la quantité de meubles en bon état que je trouve dans la rue par exemple. Plus d’une fois j’ai récupéré des choses qui, avec un peu de nettoyage et deux ou trois clous ou vis, ont trouvé une place chez moi. Un tabouret, une chaise pour enfant, un petit meuble pour ranger des outils dans l’atelier, deux plans de travail en bois massif… Bref ! Donner une deuxième vie aux objets qui, autrement, seraient partis à la poubelle, répond pour moi au sens profond du wabi-sabi. Leurs imperfections et traces d’usage font partie de leur valeur, et la beauté que je trouve dans ces objets est encore accentuée parce que j’ai passé du temps et mis un peu de moi pour les restaurer.
Il en est de même pour tout produit de création artisanale ou manuelle. Les « traces des mains » qui restent sur certains objets, un point de couture légèrement décalé par rapport aux autres, une empreinte de doigt sur une pièce en céramique, la broderie de ma toute première robe, faite par ma grand-mère, qui n’est pas très régulière… Ces détails, ces imperfections font partie intégrante de leur beauté et sont souvent la raison pour laquelle on garde ces objets pendant des années, les transmettant parfois de génération en génération.
L’hiver qui approche, le nouveau confinement, la fatigue généralisée sont des éléments qui peuvent facilement nous démoraliser. Toutefois, se rappeler de l’existence du wabi-sabi peut venir apporter un regard positif (bien nécessaire) sur les petites choses, sur le passage du temps et nous donner la dose supplémentaire de motivation pour faire des choses de nos mains, sans peur de ne pas réussir… Après tout, même dans l’imperfection réside une forme de beauté pour qui sait la déceler !
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